25.6.13

Se pourrait-il que l'exploration d'un corps ait une fin?
Mais combien de corps a chacun(e) de nous?
Une réponse? J'y travaille.

8.12.06

0. Le sens du texte

Lecteur, lectrice, ce blog est rédigé comme une histoire qui se déroule de l'avant vers l'après.

Le billet qui surgit en tête est donc le premier à avoir été écrit et le premier à lire.
Les suites sont ajoutées à la fin.
Au fur et à mesure que surgissent les choses à penser, à montrer et à dire.

Déroule donc la page comme se déroule le temps, jusqu'à trouver le présent ou plutôt, le passé le plus récent, toujours déjà passé, mais si proche, qu'on appelle le présent.


Le corps propre de cet auteur n'était sans doute pas le meilleur support de méditation sur la corporalité, le devenir du corps, sur la vision de soi en tant que corps. Ce corps n'a qu'un avantage, mais il est immense: il est mon corps propre, mon propre corps. Ce que ceci veut dire, précisément, voilà la question

Voici la question principale:

Comment puis-je penser le corps des autres (et j'en ressens l'égale urgence), si ce n'est à partir du mien? Avec le mien, malgré, sur, dans, le mien?

A titre d'hommage préliminaire, j'evoquerai le travail-soeur d'une peintre, dans le billet suivant.

Les commentaires - faut-il le dire - sont les bienvenus.

Un Hommage à un travail sur le corps propre

"Luciana Crepaldi, who gives Territories of Anonymity some of its deepest moments of delectation.
Her instrument of choice is the flatbed scanner, which she uses to great effect in three self-portraits, the greatest of which is her life-sized, time-titled "Friday, January 07, 2000 1:31:18 a.m."
Here, one notepaper-sized block of flesh at a time, she has scanned her nude posterior in full and printed each section in color.
It looks much as you would imagine, given her technique--the plump protrusions of her buttocks, back, calves, and arms pressing flat against the glass--but, parsed into seven segments, her body resembles something between medical-tissue samples and slabs of meat chilling under a deli counter.
The intersection of humanity and commodity, confessional and commentary, is strikingly precise."

in: "Globalization and Its Discontents Latin American Artists Sound Off About the New World Order at Gallery International", http://www.citypaper.com/arts/story.asp?id=3789

Luciana, ma soeur inconnue. Corps territoire anonyme, exploré par une anonyme à soi: soi. Nous voici face à face, dans ton dos.

1. Que le voyage commence


Nu couché: une image un peu floue.
Ne le suis-je pas aussi?
Ce que je vois (ce que je montre?) sur cette première image est (semble) un corps masculin.
Repos relatif.
Arc inquiet.

2. Une étape sur les rives du milieu


Je repose sur le regard de la caméra.
Qui vois-je?
Entourées de bleu - un ciel artificiel, mais involontaire-, j'apperçois des formes en repos.
Tranquillité.
Paix verticale.

3. Surgissant, bleu, une contre-plongée le fixe


Je vois une image d'abondance, une idée qui laisse soupçonner la force mais ne l'affirme pas.
Je vois encore ce bleu qui domine l'entour.
Que vois-je? Un torse dont une partie demeure hors de portée. Cette ombre, tout en bas...
Hors de portée?
L'est-il?

4. La tension sans le saut: recherche de l'appui


Jambe: arc tendu vers un appui.

Fragile lien avec l'en-bas: si fort!

L'extension est une sorte de merveille permanente.

Faisceaux vivants. Tout tend vers plus loin, vers plus autre.

Les ponts sont-ils fragiles? Forts parce que sans poids?

Flou, encore.

Moi.

5. Fuyant à toutes jambes: éperdu?



Courir vers...

Une fuite? Possible?

Vision du dehors: Tremblée.

6. Une fuite sans but

Fuir! Fuir? que fuit-on?

Je vois cette jambe gauche donnant l'extrême impulsion.

Que voyez-vous? Quitter le sol? Ou le retenir, ultime espoir?

Où mener le corps?

Ailleurs, juste ailleurs, rien de plus.

Précis. Même l'ombre me paraît floue.

Nettement floue.

Ailleurs est ici.

7. La chûte: appui quand-même


Il est une sculpture romaine que l'on appelle, sans doute abusivement, le "Gaulois mourant".
Une agonie? Un adieu à la verticale du désir?
Equilibre dans le déséquilibre, moment provisoire qui ouvre vers:
le repos? Le sommeil? La caresse, peut-être? Ou bien la mort?
Le sol me porte.
Contact.

8. Un centre oblique: Torsion



La couleur insinue. Couleur peau.

Nue, et bien plus que le noir? Que fait le noir et blanc: esthétise? Fuit? Pris par le milieu, lumière drue, poils en désordre dans le grand désordre en surface de l'être.

La catastrophe, le pli.

Ni tension ni repos. Une torsion.

Le vois-je?

9. Corps redressé vers quelque chose qu'on ne voit pas


Une étrange lumière enlève on dirait toute précision aux contours.
Pourquoi ce corps se lève-t-il? Vers quoi?
Que soulève-t-il?
Le sexe lui-même semble prêt à partir vers l'avant.
Le côté droit de ce corps, sur NOTRE gauche, soutient-il? Tire-t-il?
Habité.
Je regarde ceci et m'étonne.
Qui?

10. La hanche gauche, entourée d'ombres


À l'arrière plan, à droite, ce qui semble être un bras, pendant le long du corps.
La toison qui se détache paraît hors de proportion.
Domaine des ombres.
Voyez-vous la tranquilité? L'attente, mais attente de rien?
Juste une courbe. Un volume. Et pas grand-chose d'autre.
Hanche, fesse.
Éloignement immobile.

11. Après la chûte

Les deux globes, assymétriques, semi-déployés.
On devine une jambe très haut levée.
Que s'est-il donc passé?
Formidable déséquilibre, en appui pourtant!
La lisse rondeur exige la continuité des sillons lombaires.
Immense ouverture vers le devant, hors de la vue.
La broussaille des poils incomode le regard. Elle gêne.
L'écartement lui-même des poils indique moiteur et appel qui inquiète.
Inquiète?
Comme en rêve?

12. D'en haut, le regard arrondit

D'où voit-on si près l'assise? Tout paraît plus rond... De petits plis se sont formés. En respirant doucement tout bouge et frémit.
Pliage sans bord.
"Descendez vers moi?"
L'Esprit: "En prise avec le centre du monde, je viens"

13. Métamorphose




La pudeur commande:
ne pas donner à voir ce qui vient de trop profond.


On le cache, tant bien que mal.

Le choc du voir en impose: cacher à soi-même.

On peut se mentir à soi-même?

Qu'est-ce donc?

Un ensemble de petits plis de peau que les cuisses contiennent sans peine?


Pli: loi du retour sur soi.

Pli du corps vivant: toujours réversible.


Mais voici que le fond se soulève. Gangue et limon écartés, quelque chose surgit en nous.
Signal. Obscène? Je n'arrive pas à le croire. Sans le détail : la forme, absolue.

Champignon nommé par Linné: "Phallus impudicus L."
Toxique. Impudique.
Poison de la vue.
À le voir ainsi. La honte et la peur?

Seulement une force, un soulèvement.
Et cette force vaut?
Cette force sans honte,
ailleurs que dans l'ombre?

Tectonique des plans.

Le plan de visibilité annule la peur sur l'Axe du Mâle

14. Repli sur soi: douleur de l'en-soi?

Trouble.
Vision perturbée.
Surgissement.
Pectoraux?
Toujours un mouvement de pudeur.
Personne ne voit ce que je vois?
Ou on voit ce que je ne vois pas?
Trouble
Encore

15. Retour sur une plongée contre


La couleur revient.
C'est rouge, cela semblerait de la brique.
Une terre-cuite rouge.
Ancien.
La position de la main, presque involontaire.
Enfantine.
Cacher quoi?
Pourquoi?
Droit à l'opacité.
Donner à voir
qu'on ne veut pas que l'on voie

16. Trouble. Larges muscles, peau


Trouble: qui ressent ce trouble? Pourquoi moi?
Ambigüité de la chair.
Gonflement du désir, une aréole le couronne.
Force ou douceur?
Ambivalence du paraître.
Voyons.

17. De près, et aussi de loin


Les dômes que font tous les seins du monde, grands, petits, féminins, masculins, ou autres, se ressemblent-ils donc à ce point?



La Force? Oui, peut-être AUSSI la force.
Mais seulement une force douce: "soft power", disent-ils?

Serait-ce ici son lieu véritable?

Le poitrail du Centaure,
ouvert





La saillance n'est rien en elle-même, juste un
possible.



Puissance
Et la possibilité d'un doute.
Texture

18. Ce qui demeure opaque quand tout est montré

Le consentement général aux opacités particulières est le plus simple équivalent de la non-barbarie. Nous réclamons pour tous le droit à l’opacité.
Édouard Glissant – Poétique de la relation, p.208.
Trouvé cette citation dans le blog de Francis Pisani, lien dans "Le Monde".

Entre deux pôles se distribue le droit à l'opacité.
Un: Droit de demeurer invisible, privé, caché. De ne pas être contraint de se dévêtir, de s'exposer, d'être mis à nu.
Tous les totalitarismes sans exception ont eu recours à l'exposition forcée des corps: transparence; panopticon; fantasme du contrôle absolu.
Et deux: l'impossibilité de la transparence totale, même sous la contrainte la plus extrême.
Il y a dans chaque être humain plus d'ombre que ce que jamais aucun regard ne pourra percer.
Ni même notre propre regard sur nous-mêmes.
Bénie soit l'ombre.
Et ce qu'on montre ici? Tourner autour du visible pour repérer des indices infimes et toujours incomplets, de l'invisible épaisseur du corps propre, fût-il montré.

19. Les ciels? A chacun les siens?


Contournant les collines par le bas, nous apperçûmes un paysage ouvert vers le ciel.
Les collines se détachaient, presque symétriques, sur un fonds gris et bleu, vers le nord-est.
Comme si cela avait été intentionnel, sur leurs sommets on avait bâti des bornes géodésiques.
Elles indiquaient les coordonnées principales du désir.
Pas de blâme

20. Des clés pour les portes ouvertes : key words

Une série de séries. Cela traduit-il bien l'esprit du voyage autour d'un corps?
Le voyage se fait-il autour du corps, ou par dessus, en le prenant à partie?

S'agit-il ici d'une mise en pièces?
Qu'y manque-t-il?

Babel incarné:

Masculin / masculino / másculo / male / Mann
Sujet/Objet:
corps Körper body cuerpo corpo
corporel corpóreo corporeal
Qualité:
corporalité corporalidad corporality corporalidade
Procès:
incorporation incorporé incorporación incorporado incorporação
incarnation encarnación incarnação
embodiment embodied
États:
nu / dénudé / mise à nu / mis à nu / nudité / nudo desnudo desnudado/ nude / nudity / naked /
Prise à partie, mise en pièces:
Torse tronc dos / Torso tronco espalda / Back
Poitrine sein / Chest breast / Pecho seno / Peito seio / Brust / Busen
Ventre bas-ventre pubis / Penis / Belly / Vientre
Jambe cuisse fesse / Pierna coja / Leg thigh buttock
Hanche Anca Nádega
Visions:
autoportrait / self portrait / auto-retrato art artistique photo / artistic arte artístico foto
Désir / Desire / deseo / desejo / Lust

Modalités de l'être
Présence / presence / presencia / presença /presenza
Absence / absence / auséncia / ausência
Ambivalence ambiguïté / Ambiguity / Ambigüedad ambivalencia / Ambiguidade ambivalência

21. Prise à partie: un corps fragmenté

Certains d'entre nous ne savent pas marcher sur leurs deux jambes.
J'en suis.

Il semble que l'appui une fois acquis, ce corps ne le quitte qu'à grand regret.

Qu'est-ce qu'un pas?
Qu'on n'ose franchir;
d'ici, là.

Le pas que l'on a vite franchi;

Le sol aussi, se dérobe.

Le pas de trop.

22. Le pas de trop

Le passage du repos à la chûte. L'impossible stase.

Un si bon appui, et nous voilà à nouveau projetés en avant?

En avant, après, plus tard, demain,

c'est mieux?

Soulever son propre corps, d'un élan soudain
le mettre en mouvement,
en déséquilibre:

Grand plaisir.

Le pas du dedans.
Tendons, muscles, pression, chaleur, tension intérieure.

Franchir.

23. Ce qui tient: pas de blâme


Ce qui tient et demeure
Le rond
l'immobile même quand il se meut
Le doux
l'indifférencié
l'assexué
ce qui nous donne une assise
Le doux est ce qui permet le doute?

24. La Zone des Ombres

Non pas que chacun(e) de nous n'ait en soi plus d'ombre que ne peut en tenir une nuit:

Non, c'est que l'ombre fuit le regard.


Ici, je ne VOIS rien. Je ne vois RIEN.
Trop d'ombre.

Je me tiens à l'écart et songe.

Je rêve de lumière et m'enfonce dans la nuit.



25. Prise à part: disparition


Que voit-on quand on ne voit rien?
Qu'est-ce que le rien, ici, si l'image est pleine?
La lumière passe. Rasante.
Mais elle n'a pas entamé les poils, pourtant.
Elle rase le dessous? De la peau?
Manque-t-il quelque chose, ou quelqu'un, à l'appel?
Qui appelle?

26. L'essence des liens: les sens

Nous voulions avancer pas à pas.
Nous voulions rester maîtres, du moins un peu, du mouvement.
Mais sommes nous jamais maîtres de ce qui nous emporte?


De résister nous impose une torsion insoutenable: mais céder?

Je vois Lacoon, lié par les reptiliens, forçant sur ses cuisses, cabré, perdu.
Oui.
ou plutôt: Non. Il Lutte

Notion de "virilité": la force (vir), le masculin (vir) le courage de dire non (virtus), ce qui germe (viridis, la verdeur, ce qui pousse).
Labyrinthe, nous savons des sorties de secours. Vertes.























Il faut nager avec le courant, dit-on en Orient.
Merci. C'est une bonne idée. Vers où?


Et si nous sommes emportés vers l'indistinct, vers le ceci et autre chose, le oui et le non? Vers le masculin et féminin? Vers le jour et la nuit?

Sans que les distances entre les opposés nous permettent de poser notre dos contre la terre et respirer?

27. Ici Scylla, à vous Charybde

Apollo couché: alors que son torse se déploie en arrière, la Lune vient y boire.

Ni Sisyphe ni Prométhée.


Le sommeil puissant des dieux
hors d'atteinte.
Sauf de la Lune, qui vient y boire.


Le Kouros s'éveille.
Des cythares lui vibrent dans les jointures.

A peine redressé,
au bord de l'érection

Monument à la déesse du vertige





Il y a plus de douceur en un instant de bleu
que dans beaucoup de ciels plus beaux.


Juste un souvenir d'avoir été l'un et l'autre.

Hermès, qu'as-tu engendré?




Entreprenez de préciser ceci, après Courbet:

À l'autre bout de la chaîne,

"La Fin du Monde"

Surpris par la Lune, l'éveil est plus sombre.

Qui dira la rondeur du désir de sens?

Qui, au-delà de la pudeur, la puissance?

28. A mains nues

Les Hommes ont vu dans l'étoile de leurs mains une puissante protection.

Ils l'impriment sur les façades de leurs maisons, sur le front de leurs angoisses.

Vade retro!


Mais autant que l'arrêt est nécessaire la demande.
Que l'autre nous donne, et nous serons humanisés.


Je demande...
J'humanise celui à qui je demande.

Nous sera-t-il donné?

Ce qui me touche, me donnne.

Il était un temps, on épargnait une vie, une vraie vie humaine d'un simple signe de la main.


Terrible pouce!
Vers le ciel, je plante mes pieds sur l'herbe fraîche.

Vers la terre?

Mon sang noir a cessé de s'écouler.

Sacer.


Une main tourne sur elle-même: rotula, petite roue.

Rassemblée, elle peut unir ce qui est déjà un: comme on unit les humains séparés.


Jamais pourtant ils ne le sont: séparés.


Unir l'uni, redoublement du doigt contre le doigt.



J'aime quand la main menace.



Massive, massue, rassemblée.

Beauté de l'effort et de la force.

Gare.
Agon: le goût du combat.




Mais la main parle.
Ceci, non cela!
Distingue, désigne, éclaire.
La main, ou mil mots.

La main nue.
Nue elle aussi.